Moteurs à Courant Continu et Alternatif
Contexte : Le cœur de l'industrie moderne.
Les machines électriques sont omniprésentes dans notre quotidien et dans l'industrie, convertissant l'énergie électrique en énergie mécanique. Le moteur à courant continu (MCC), réputé pour sa facilité de contrôle en vitesse, et le moteur asynchrone (ou à induction) triphasé, célèbre pour sa robustesse et son faible coût, sont deux piliers de l'électrotechnique. Comprendre leurs points de fonctionnement nominaux (puissance, vitesse, couple) est essentiel pour tout ingénieur ou technicien afin de dimensionner, choisir et maintenir correctement ces actionneurs vitaux.
Remarque Pédagogique : Cet exercice en deux parties vous permettra d'appliquer les lois fondamentales de l'électromagnétisme et de l'électrotechnique à deux types de moteurs très différents. Nous allons analyser leurs plaques signalétiques, calculer leurs grandeurs électriques et mécaniques clés, et évaluer leur performance. C'est une démarche typique pour la mise en service ou le diagnostic d'une chaîne de motorisation.
Objectifs Pédagogiques
- Calculer la force contre-électromotrice (FCEM) et le couple d'un moteur à courant continu.
- Déterminer le rendement d'un moteur à courant continu en séparant les différentes pertes.
- Calculer la vitesse de synchronisme et le glissement d'un moteur asynchrone.
- Évaluer le couple utile et le rendement d'un moteur asynchrone.
- Se familiariser avec les grandeurs et unités des machines électriques (V, A, W, N·m, tr/min).
Données de l'étude
Partie A : Moteur à Courant Continu (excitation shunt)
Schéma de principe du Moteur CC Shunt
Paramètre | Symbole | Valeur | Unité |
---|---|---|---|
Tension d'alimentation | \(U\) | 220 | \(\text{V}\) |
Puissance Utile Nominale | \(P_{\text{u}}\) | 5 | \(\text{kW}\) |
Vitesse de Rotation Nominale | \(n_{\text{n}}\) | 1500 | \(\text{tr/min}\) |
Résistance de l'induit | \(R_{\text{a}}\) | 0.4 | \(\Omega\) |
Résistance de l'inducteur | \(R_{\text{ex}}\) | 110 | \(\Omega\) |
Pertes collectives (fer + méca) | \(P_{\text{c}}\) | 250 | \(\text{W}\) |
Partie B : Moteur Asynchrone Triphasé
Schéma de principe du Moteur Asynchrone
Paramètre | Symbole | Valeur | Unité |
---|---|---|---|
Tension entre phases | \(U_{\text{n}}\) | 400 | \(\text{V}\) |
Fréquence | \(f\) | 50 | \(\text{Hz}\) |
Nombre de paires de pôles | \(p\) | 2 | - |
Puissance Utile Nominale | \(P_{\text{u}}\) | 11 | \(\text{kW}\) |
Glissement Nominal | \(g_{\text{n}}\) | 4 | \(\%\) |
Pertes Joule Statoriques | \(P_{\text{js}}\) | 450 | \(\text{W}\) |
Pertes Fer Statoriques | \(P_{\text{fs}}\) | 280 | \(\text{W}\) |
Questions à traiter
- Partie A (Moteur CC) : Calculer le courant d'excitation \(I_{\text{ex}}\), le courant d'induit nominal \(I_{\text{a}}\), la force contre-électromotrice \(E\), le couple utile \(T_{\text{u}}\) et le rendement \(\eta\).
- Partie B (Moteur Asynchrone) : Calculer la vitesse de synchronisme \(n_{\text{s}}\), la vitesse de rotation nominale \(n_{\text{r}}\), la puissance transmise au rotor \(P_{\text{tr}}\), les pertes joule rotoriques \(P_{\text{jr}}\), le couple utile \(T_{\text{u}}\) et le rendement \(\eta\).
Les bases des Machines Électriques
Avant de plonger dans la correction, revoyons quelques concepts clés.
1. Moteur à Courant Continu (Shunt) :
Le circuit d'excitation (inducteur) est en parallèle (shunt) avec le circuit de l'induit. La tension \(U\) est la même aux bornes des deux.
- Loi des mailles de l'induit : \(U = E + R_{\text{a}} \cdot I_{\text{a}}\), où \(E\) est la FCEM.
- La FCEM est proportionnelle à la vitesse : \(E = k \cdot \Phi \cdot \Omega\).
- Le couple électromagnétique : \(T_{\text{em}} = k \cdot \Phi \cdot I_{\text{a}}\).
- Le rendement : \(\eta = P_{\text{utile}} / P_{\text{absorbée}}\).
2. Moteur Asynchrone Triphasé :
Le stator crée un champ magnétique tournant à la vitesse de synchronisme \(n_{\text{s}}\). Le rotor tourne à une vitesse \(n_{\text{r}}\) légèrement inférieure.
- Vitesse de synchronisme : \(n_{\text{s}} = \frac{60 \cdot f}{p}\) (en \(\text{tr/min}\)).
- Glissement : \(g = \frac{n_{\text{s}} - n_{\text{r}}}{n_{\text{s}}}\). C'est une mesure de la "perte de vitesse" du rotor par rapport au champ.
- Bilan de puissance : La puissance transmise du stator au rotor (\(P_{\text{tr}}\)) se divise en pertes joule rotoriques (\(P_{\text{jr}}\)) et puissance mécanique totale (\(P_{\text{m,tot}}\)). On a la relation clé : \(P_{\text{jr}} = g \cdot P_{\text{tr}}\).
Correction : Moteurs à Courant Continu et Alternatif
Question 1 : Partie A - Moteur à Courant Continu
Principe (le concept physique)
Pour comprendre le fonctionnement du moteur, nous devons d'abord déterminer comment le courant électrique fourni se répartit entre le circuit qui crée le champ magnétique (l'inducteur) et celui qui subit la force de Laplace pour tourner (l'induit). C'est la première étape pour analyser la conversion d'énergie.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
Dans un moteur à excitation shunt, l'inducteur et l'induit sont en parallèle. La loi des nœuds de Kirchhoff s'applique : le courant total absorbé par le moteur (\(I\)) est la somme du courant d'excitation (\(I_{\text{ex}}\)) et du courant d'induit (\(I_{\text{a}}\)). Le bilan de puissance est la clé : la puissance absorbée (\(P_{\text{abs}} = U \cdot I\)) est égale à la puissance utile (\(P_{\text{u}}\)) plus toutes les pertes (pertes Joule dans l'induit et l'inducteur, pertes fer et mécaniques).
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Pensez au moteur comme un système avec deux consommateurs électriques : l'inducteur, qui est une simple résistance, et l'induit, qui est plus complexe (une résistance en série avec un générateur de tension, la FCEM). Le courant d'excitation est constant tant que la tension U ne change pas. C'est le courant d'induit qui va varier en fonction de la charge mécanique appliquée au moteur.
Normes (la référence réglementaire)
La norme internationale IEC 60034-1 définit les caractéristiques assignées et de fonctionnement des machines électriques tournantes. Les valeurs de la plaque signalétique (tension, puissance, vitesse) sont définies selon cette norme pour garantir la comparabilité et la sécurité.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Nous utiliserons la loi d'Ohm, la loi des nœuds et l'équation du bilan de puissance :
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que le moteur fonctionne en régime permanent, à sa charge nominale. La température des enroulements est stabilisée, donc les valeurs des résistances sont considérées comme constantes. Les valeurs de la plaque signalétique sont exactes.
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
- Tension d'alimentation, \(U = 220 \, \text{V}\)
- Puissance Utile, \(P_{\text{u}} = 5000 \, \text{W}\)
- Résistance d'induit, \(R_{\text{a}} = 0.4 \, \Omega\)
- Résistance d'inducteur, \(R_{\text{ex}} = 110 \, \Omega\)
- Pertes collectives, \(P_{\text{c}} = 250 \, \text{W}\)
Astuces(Pour aller plus vite)
Calculez toujours en premier les grandeurs indépendantes. Ici, \(I_{\text{ex}}\) ne dépend que de U et \(R_{\text{ex}}\), c'est donc un point de départ facile et fiable. Cela simplifie ensuite le bilan de puissance pour trouver \(I_{\text{a}}\).
Schéma (Avant les calculs)
Répartition des courants
Calcul(s) (l'application numérique)
1. Calcul du courant d'excitation \(I_{\text{ex}}\) et des pertes Joule correspondantes \(P_{\text{jex}}\) :
2. Bilan de puissance pour trouver \(I_{\text{a}}\). On pose l'équation \(P_{\text{abs}} = P_{\text{u}} + P_{\text{ja}} + P_{\text{jex}} + P_{\text{c}}\) :
En remplaçant les valeurs connues :
Ce qui nous donne l'équation du second degré :
3. Résolution de l'équation. Le discriminant \(\Delta = (-220)^2 - 4(0.4)(5250) = 40000\). La racine est \(\sqrt{40000} = 200\). La solution physiquement cohérente (la plus faible) est :
Schéma (Après les calculs)
Bilan de puissance (en W)
Réflexions (l'interprétation du résultat)
Le courant d'induit (25 A) est bien plus élevé que le courant d'excitation (2 A), ce qui est typique. La grande majorité du courant absorbé sert à produire le couple mécanique. Le courant d'excitation, plus faible, ne sert qu'à magnétiser le moteur.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
L'erreur classique est d'oublier que le courant total \(I\) n'est pas le courant d'induit \(I_{\text{a}}\). Il faut bien appliquer la loi des nœuds. Une autre erreur est de mal poser le bilan de puissance, en oubliant une des pertes, ce qui fausse le calcul de \(I_{\text{a}}\).
Points à retenir (permettre a l'apprenant de maitriser la question)
- Dans un moteur shunt, \(I_{\text{total}} = I_{\text{induit}} + I_{\text{excitation}}\).
- Le courant d'excitation est constant si la tension U est constante.
- Le bilan de puissance est l'outil le plus puissant pour trouver les grandeurs inconnues.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
Au démarrage, la vitesse du moteur est nulle, donc la FCEM (\(E\)) est nulle. Le courant d'induit de démarrage est alors très élevé : \(I_{\text{dém}} = U / R_{\text{a}} = 220 / 0.4 = 550 \, \text{A}\) ! C'est pourquoi on utilise des rhéostats de démarrage pour limiter ce courant destructeur.
FAQ (pour lever les doutes)
Résultat Final (la conclusion chiffrée)
A vous de jouer(pour verifier la comprehension de l'etudiant parrapport a la question)
Si la charge est réduite de sorte que le courant d'induit tombe à 15 A, quelle est la nouvelle FCEM en Volts ?
Question 2 : Partie B - Moteur Asynchrone
Principe (le concept physique)
Le moteur asynchrone fonctionne grâce à un champ magnétique tournant créé par le stator. Ce champ induit des courants dans le rotor, qui se met à tourner pour "suivre" le champ, mais sans jamais le rattraper. La première étape est de calculer la vitesse de ce champ, appelée vitesse de synchronisme, puis la vitesse réelle du rotor.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
La vitesse de synchronisme (\(n_{\text{s}}\)) est fixée par la fréquence (\(f\)) du réseau et le nombre de paires de pôles (\(p\)) de la machine. Le rotor tourne à une vitesse \(n_{\text{r}}\), et la différence relative, le glissement \(g = (n_{\text{s}} - n_{\text{r}})/n_{\text{s}}\), est cruciale. C'est ce glissement qui permet l'induction et donc la création du couple. Un glissement nul signifie un couple nul.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Imaginez que vous faites tourner un aimant (le champ du stator) au-dessus d'une boussole (le rotor). L'aiguille de la boussole va tourner pour suivre l'aimant. Le moteur asynchrone est basé sur ce principe, mais de manière plus complexe. La "lenteur" du rotor par rapport au champ (le glissement) est la source même de son mouvement.
Normes (la référence réglementaire)
La norme IEC 60034-30-1 classifie les moteurs asynchrones selon leur rendement (IE1, IE2, IE3, IE4, IE5). Cela pousse les constructeurs à optimiser la conception pour réduire les pertes et le glissement nominal, qui est un bon indicateur de l'efficacité du moteur.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Les formules clés sont celles de la vitesse de synchronisme et du glissement :
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que la fréquence du réseau est stable à 50 Hz et que le moteur fonctionne à son régime nominal, donc avec le glissement nominal indiqué.
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
- Fréquence, \(f = 50 \, \text{Hz}\)
- Nombre de paires de pôles, \(p = 2\)
- Glissement nominal, \(g_{\text{n}} = 4\% = 0.04\)
Astuces(Pour aller plus vite)
Les vitesses de synchronisme pour un réseau 50 Hz sont des valeurs à connaître par cœur : 3000 tr/min (p=1), 1500 tr/min (p=2), 1000 tr/min (p=3). Cela permet de vérifier instantanément la cohérence d'un calcul.
Schéma (Avant les calculs)
Vitesse du champ et du rotor
Calcul(s) (l'application numérique)
1. Calcul de la vitesse de synchronisme :
2. Calcul de la vitesse de rotation nominale du rotor :
3. Bilan de puissance : on remonte de la puissance utile pour trouver la puissance transmise, puis les pertes rotoriques.
4. Couple et rendement :
Schéma (Après les calculs)
Flux de puissance (en W)
Réflexions (l'interprétation du résultat)
Le rendement du moteur asynchrone (90.3%) est supérieur à celui du moteur CC (84.2%), ce qui est typique. L'absence de pertes par balais/collecteur et une conception optimisée pour le régime nominal rendent ces moteurs très efficaces. Le glissement de 4% est une valeur courante pour un moteur de cette puissance ; il représente un compromis entre couple et rendement.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Ne confondez pas le nombre de pôles et le nombre de paires de pôles (\(p\)). La formule utilise \(p\). Un moteur "4 pôles" a \(p=2\). De plus, l'erreur la plus fréquente est de mal appliquer le bilan de puissance, notamment la relation \(P_{\text{jr}} = g \cdot P_{\text{tr}}\) qui est la pierre angulaire de l'analyse.
Points à retenir (permettre a l'apprenant de maitriser la question)
- La vitesse d'un moteur asynchrone est toujours légèrement inférieure à la vitesse de synchronisme.
- Le glissement est la clé pour comprendre la répartition des puissances dans le rotor.
- Le flux de puissance va du stator au rotor, puis à l'arbre, avec des pertes à chaque étape.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
En inversant deux des trois phases d'alimentation d'un moteur asynchrone, on inverse le sens du champ tournant, et donc le sens de rotation du moteur. C'est une méthode de freinage très efficace appelée "freinage par contre-courant", mais elle est très brutale et consomme beaucoup d'énergie.
FAQ (pour lever les doutes)
Résultat Final (la conclusion chiffrée)
A vous de jouer(pour verifier la comprehension de l'etudiant parrapport a la question)
Si le même moteur était utilisé sur un réseau à 60 Hz (comme en Amérique du Nord), quelle serait sa nouvelle vitesse de synchronisme en tr/min ?
Outil Interactif : Caractéristique Vitesse-Couple
Observez comment la vitesse du moteur asynchrone varie en fonction du couple résistant appliqué sur son arbre.
Paramètres du Moteur Asynchrone
Points de Fonctionnement
Le Saviez-Vous ?
Nikola Tesla, l'inventeur du moteur asynchrone et du système de distribution de courant alternatif, avait une vision extraordinaire. Il a imaginé un monde où l'énergie serait transmise sans fil. Bien que son projet de Tour de Wardenclyffe n'ait jamais été achevé, ses contributions fondamentales à l'électricité alternative sont la base de notre réseau électrique mondial actuel.
Foire Aux Questions (FAQ)
Pourquoi le moteur asynchrone est-il si répandu dans l'industrie ?
Pour trois raisons principales : sa robustesse (pas de balais ni de collecteur comme sur un moteur CC, donc moins d'usure), son faible coût de fabrication, et son entretien très réduit. Il peut être connecté directement au réseau triphasé, ce qui simplifie son installation. Sa seule faiblesse est un contrôle de vitesse moins aisé, mais les variateurs de fréquence modernes ont largement résolu ce problème.
Qu'est-ce que le glissement et pourquoi est-il nécessaire ?
Le glissement est la différence de vitesse relative entre le champ tournant du stator et le rotor. C'est cette différence qui, par induction (loi de Lenz-Faraday), crée des courants dans le rotor. L'interaction entre ces courants induits et le champ du stator produit le couple moteur. Sans glissement (si le rotor tournait à la même vitesse que le champ), il n'y aurait pas d'induction, donc pas de courant, et pas de couple. Le glissement est donc indispensable au fonctionnement du moteur.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Dans un moteur à courant continu, si on augmente le couple résistant sur l'arbre...
2. Un moteur asynchrone 6 pôles alimenté en 50 Hz a une vitesse de synchronisme de...
- Force Contre-Électromotrice (FCEM)
- Tension induite dans l'enroulement de l'induit d'un moteur CC due à sa rotation dans un champ magnétique. Elle s'oppose à la tension d'alimentation et est proportionnelle à la vitesse.
- Glissement (g)
- Différence de vitesse relative entre le champ magnétique tournant du stator et le rotor dans un moteur asynchrone. Exprimé en pourcentage de la vitesse de synchronisme.
- Couple Électromagnétique (Tem)
- Le couple généré par les forces de Laplace sur les conducteurs du rotor. Une partie de ce couple est perdue (frottements), le reste est le couple utile disponible sur l'arbre.
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